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E-critures
26 avril 2008

Calder, Stabile (La défense)

 

     

   Aujourd’hui une beaubourgerie assez spéciale puisqu’une calderade. Nous ne sommes pas au musée, nous sommes esplanade de la défense, devant l’immense sculpture de Calder. Immense ? On en doute à la voir là, entourée par tous ces immeubles titanesques qui la regardent de haut. Les gens prennent beaucoup de photos…de l’arche juste derrière…Heureusement la sortie E du métro est là pour nous rappeler « Calder-Miro ».

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 Je suis sur les sympathiques bancs en arc de cercle à côté d’un petit poteau noir dont je ne parviens pas à définir l’utilité. Un manège fermé juste à gauche. Le gratte ciel « Cœur défense » au-dessus, un lampadaire dans le champ de vision. Beaucoup de gens passent. Beaucoup de gens en costume qui ont l’air de correctement fonctionner.

Et l’œuvre ?

 Elle est rouge playmobile. Elancée. Haute. Grande mais pas grosse. Elancée. Vive. Prête à bondir. C’est le Carnage de chez Marvel mais assagi. Les individus qui passent à côté sont vraiment petits. Elle n’est pas écrasante, cependant personne n’irait redire sur son ancrage dans le sol, sur sa « stabilité ». Un vaste stabile qui met en confiance. Rien que son rouge d’abord. Un parfum d’enfance, de clown et de cirque, d’amusement mais rien de violent, de sauvage, de non apprivoisé, non plutôt la docilité industrielle du bœuf. Le taureau picassiette est endormi Une couleur nette, Warolhienne, du Warolhe des boîtes de soupe. Une couleur qui n’a aucune envie de communiquer, d’exprimer. Une couleur muette et efficace. Loin du drip’ et du pour’. Une couleur onthologique. Rouge. Rouge. Rouge. Plastique. Pour tous les âges. De la vie de la belle de la douce de la quotidienne. On passe en dessous à côté sans souci, pourquoi aurait-on peur d’un gros bout de plastique ? C’est autre chose en ce qui concerne tous ces immeubles en verre surtout depuis qu’on sait qu’ils ne résistent pas aux avion.

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Et puis l’ancrage. Est-ce que ça rentre dans le sol ? Est-ce que c’est simplement posé ? Difficile de savoir. Il faudrait creuser. En tout cas ça semble tenir. Ca tient et comment ! Tout le poids vers le bas. C’est fin et léger en haut, beaucoup plus lourd vers le sol. Un bon stabile. Rien qu’à le regarder je sens que tout ce qui foutait le camp dans ma vie rentre dans l’ordre, je garde un peu de place pour du désordre heureux, celui des surprises et des mobiles mais mon cœur est rempli de terre. Je sais que mes slips sont bien rangés dans le placard et que s’il pleut ce soir, j’aurai un parapluie.

L’histoire de Calder qui dit à Mondrian après la visite de son atelier que ce qu’il fait c’est bien mais que ça serait encore mieux s’il rendait mobile ses panneaux, me plait beaucoup. Je pense à Mondrian et je me dis qu’il a dû très mal le prendre. Le pauvre Mondrian que Dali lui aussi se plaisait à harceler (voir tableau de notation comparatif de ce dernier). Pourtant quand je regarde ce mobile, je me dis que oui, ce qu’il manque aux damiers et plans de ville mondrianeux c’est ce souffle de vie qui anime les caldérades. Je vous garantie, le stabile a bouger. Non bien sûr je ne l’ai pas vu. Mais il a traversé l’arche. Le mastodonte s’est remué. Il est parti en sautillant. Majestueux, imposant, mais léger, gracile. Elancée. C’est joli et ça vit.

Si on s’exprime mac donnaldement parlant, je dirai qu’au milieu de tous les best of de gratte ciel, il y un happy meal ronaldesque : notre stabile. Ketchupé et propre comme un plateau qu’on vient de laver. Une véritable surprise emballée dans un sac plastique. On y va et on revient avec le sourire.

Quel bruit ça fait un stabile ? C’est silencieux comme une place sans marché un dimanche matin. La discrétion du stabile est légendaire. La moindre remarque, le moindre coup d’œil et voilà il rougit.

Oui mais un stabile ce n’est pas seulement une couleur et un ancrage, c’est une forme ou plutôt des formes. Ici il s’agit d’arc et de courbes. Mais pas seulement. D’abord les arcs : de là où je suis, je n’en vois que deux, il y en a un principale, un autre plus petit qui vient se greffer dessus. C’est un peu comme une tragédie classique. La règle de l’unité de fiction rondement respectée. Une histoire principale. Andromaquement parlant : le petit arc de cercle est un peu l’Oreste de notre stabile. Ca rajoute un côté prestigieux à l’ensemble. N’empêche que la vraie, le squelette de l’œuvre c’est l’autre, le plus grand et le plus large arc de cercle, un peu moins élancé. Il pointe un peu. Tel le sommet d’un œuf. J’observe attentivement le pilier sur la gauche et je remarque la courbure légère en haut. Histoire de s’harmoniser avec la courbe principale. De la douceur de la douceur de la douceur. Tout ce stabile est très verlainien dans le sens où c’est une vrai romance sans paroles. Mais pas seulement. Il y a les arrêtes, les espèces de poutre qui ressortent et la rectitude verticale des colonnes-arches.

 Le stabile : un grand arc sur lequel se greffe deux colonnes à la manière d’arcs de cercles plus modestes et plus élancés et plus haut et plus secondaires. Le stabile : un grand arc strié, coupé, pointu, malin, rusé, diablotin, diabolique. Le stabile : deux colonnes droites dans le sol. Cependant il serait difficile de l’escalader. C’est lisse et difficilement atteignable. Pas d’aspérité expressionniste abstraite. Je serais tenter de dire «  simplicité renversante », mais ce serait un peu facile et surtout un peu le contraire.

Alors un stabile d’accord, mais le mobile, il est où. En regardant courir deux trois enfants autour on peut s’interroger et laisser échapper le genre de vérité générale suivante : le mobile de l’œuvre est l’homme qui passe.

Ah Calder, l’artiste qui cherchait à poser sur des nuages les œuvres les plus folles dans l’espoir de toucher la lune !

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Commentaires
E
J'aime beaucoup t'as descriptions. La première fois que je l'ai vu, je me suis demandé qu'est ce qu'elle faisait là... Et puis assis sur un banc, comme toi, elle m'a fait "rêvé"! Sorte de bestiole... de mante religieuse, qui vient de s'enfuir par dessous les immeubles pour se retrouver "cul parterre" face à cette grande esplanade, de nouveau enfermer par ces grattes ciels! voici ma perception ^^.
E
J'aime beaucoup t'as descriptions. La première fois que je l'ai vu, je me suis demandé qu'est ce qu'elle faisait là... Et puis assis sur un banc, comme toi, elle m'a fait "rêvé"! Sorte de bestiole... de mante religieuse, qui vient de s'enfuir par dessous les immeubles pour se retrouver "cul parterre" face à cette grande esplanade, de nouveau enfermer par ces grattes ciels! voici ma perception ^^.
G
Tant que ce n'est pas:<br /> "La tour Effeil chancelle,<br /> Comme le monde est fou,<br /> Plonge dans la Seine, les jambes brisées par le souffle de l'explosion"<br /> <br /> ET merci pour vos gentillesses
X
Audace ! C'est le mot !
D
« La Tour Eiffel part en balade<br /> comme une folle<br /> elle saute la Seine à pieds joints. »<br /> J'aime ton audace dans l'« exploration littéreuse ».
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