Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
E-critures
10 avril 2008

Willem de Koonig, Untitled XX, 1976

Dekoonig

   Une toile tardive, placé légèrement à gauche, beaucoup de gens passent. Faire attention aux jeudis. Se rappeler pour les mardis et faire attention aux jeudis.

   Une toile assez grande. DE L2EXPRESSIONISME ABSTRAIT. Un problème. Comment commencer à décrire cette peinture.

   Du bleu, non des bleus, de la couleur chair souillée de bleu. Schtroumpfisé. Schmurfled. Du noir : pas beaucoup, mais de l’incisif, violent, en relief, marquant. Un soupçon de vert comme une nébuleuse perdue loin dans l’espace. Le vague rappel du rouge brûlant.

   Trois bandes horizontales. Mais compromises par le désordre : trois squelettes de bande. La première délimitée par un trait vert quelques instants, qui disparaît et bleuit au final. La ligne d’un cardiogramme. Le cours de la bourse.

   La seconde couleur chair bleuisée. Bleuisée d’autant plus qu’elle est largement occupée par les tentacules d’une espèce de pieuvre-araignée écrasée. C’est le bordel. La créature fait un appel du « pied » à une sorte d’engeance si terrifiante qu’elle est recouverte de noir. Des traits dans tous les sens comme une grande rature.

   La première bande était blanche : nous l’avons dit (si si, puisque je vous le dis). La troisième aussi. La première bande est recouverte par toutes sortes de couleurs. Du noir, de la chair, du rouge.

   Donc une horizontalité remise en cause par le monstre aux deux corps et sans visage. Mais pas non plus de verticalité. Si l’on a un peu d’imagination on peut se prendre à rêver de trois nouvelles bandes, cette fois dans la hauteur. Il faut être profondément endormi. Un sacré rêveur.

   Et puis c’est sale et c’est baveux, ça sent la pollockerie, du dripping et que je te touche plus la toile. Des éclaboussures de bleu qui contamine tout rappelle cette forme pieuvresque, explosion d’énergie, création bigbanguesque, un centre qui a coulé.

   Le blanc calme un peu, le bleu kandinsquiment parlant rend songeur, je trouve que celui-ci laisse soucieux. La pieuvre ce n’est pas pour rien. Au fond de l’océan. Parfois la lumière ne passe plus. Des traits noirs. Vagues. Le vert paralysant marié au rouge par le bleu ou le vert paralysant marie le rouge au bleu.

   Beaucoup de chair comme du sable fin. Réchauffe le fond des ces eaux.

   Un océan quadrillé ? Du Mondrian de Staellisé ? Il y a un bleu très spécial en haut à droite de la toile. On dirait que le centre de ce tableau est étiré double et presque confondu. La double créature. Mais est-ce cette chimère qui est en train de ravager, dévorer, occuper le tableau, le mythe du bleu infiltré, ou bien est-ce cette masse sablesque et chaireuse qui l’absorbe, l’engloutit. La chaleur est-elle sur le point d’épuiser le dernier mince filet d’eau ? La neige fond et c’est la boue produite qui macule, tâche. D’où l’explication de toutes ces saletés en haut du tableau !

   Le vert : le gazon pointant sous la piste de ski au plein cœur du printemps. Alors pourquoi pas le bleu du ciel ? Le bleu du ciel la nuit en août avec les étoiles, le bleu du matin, le bleu du ciel gris, le bleu du ciel blanc, le bleu du ciel orangé, le rouge du couchant. Une peinture cent pour cent bleus du ciel. Vous croyez y voir le bleu de la mer et pan, on vous explique que si la mer est bleue c’est à cause du ciel qui s’y reflète.

   Est-ce qu’il y a un combat dans cette peinture ? Une confrontation paisible de forces tranquilles. Le plus violent et radical acte guerrier est sans conteste la domination étouffante du noir sur le bleu. Mais le reste du bleu vient tirer ça « au clair », et comme on est entre de blanches mains, tout se passe bien. En plus, le plus puissant phénomène de la galaxie démoniaque veille prêt à attaquer tout ce qui dépasserait hargneusement (le rouge sulfureux) et le plus puissant phénomène de la galaxie gentille veille sympathiquement au calme de toute cette histoire (le bleu haut gauche).

   Car c’en est bien une, une jolie histoire de conte de fée où les personnages meurent. Une invitation, une proposition, pour la paix ; sérieuse et décontractée, une discussion lente à se mettre en place mais qui agit efficacement.

   Après une bonne sieste, des pensées qui font chaud dans le dos. Le plaisir de s’étirer de manière mesurée. Plier ses habits, et sentir leur contact réchauffé par les rayons du soleil contre la paume de sa main.  

   De Koonig, l’animalier de l’expressionnisme abstrait qui, filoutesement, cherche à impressionniser le centre du tableau, Willem, cet individu suspect qui balance des bleussailles océanesques qui ne sont en fait que les bleus du ciel qui s’y reflète.

   Ou encore : « Ah ! De Koonig ce peintre poète capable d’amener n’importe quel spectateur, même le plus angoissé aux coeurs d’abysses existentielles dépeuplées, pieuvresques et terrifiantes, de l’émouvoir et de le faire pleurer toutes les larmes de son corps sans pour autant que la moindre goutte n’ait humidifié son visage, sans que la moindre crise cardiaque n’ait écourté sa (triste ?) vie. »

Publicité
Publicité
Commentaires
E-critures
Publicité
Archives
E-critures
Derniers commentaires
Publicité