20 minutes
23H09. Les toiles sur le clavier
coulissent comme un serpentar mal réglé. Un serpentar est une figure de style où
l’on se sert de l’omission d’un « s » dans une suite de mots au
pluriel afin de les faire serpenter, c'est-à-dire leur donner envie d’onduler.
« Les fil électriques sous le soleil. »
23H11. Il n’y a plus de soleil de
puis bien longtemps et c’est dommage car je ne parviens pas dans de telles
conditions à distinguer la couleur de mes pilules. Le médecin a dit : la
noire comme au billard ne jamais la prendre avant la fin sinon la partie sera
perdue.
23H12. Je mange des chips devant
un bol de télé. Les coccinelles se posent sur les chaînes et ce sont plus les
bretzels qui me font saliver devant une émission de variété, je répète devant
une émission de variété.
23H13. Il n’y a que les cons qui
ne regardent pas la télé. Je la jette par la fenêtre avec le reste des
apéritifs. Ils s’écrasent sur la tête d’un passant. Ce n’est pas très grave, il
n’était pas très beau avant.
23H14. Je prends une vache qui
rit dans mon frigo, je la colle contre mon carreau, l’écrase et je la regarde descendre
jusqu’au clavier. Les touches sont baveuses.
23H15. En chausson, je dévale les
escaliers et me rue vers ma boulangerie pour acheter des chewing-gums. Trop
tard c’est fermé. Depuis plus de trois heures. J’aurai du faire plus vite.
23H16. J’ouvre la bouche pour y
mettre le plus de lessive liquide possible,je veux battre le record de lessive
transportable dans une cavité buccale, la semaine dernière j’y étais presque,
j’échouais à un grain. C’était de la lessive en poudre.
23H17. Je constate avec stupéfaction
que tous mes habits sont devenus blancs. Tous mes vêtements sont devenus
blancs. Tous mes vêtements sont devenus blancs. Je ne cesserai de le dire. Ca
ne veut pas rentrer dans mon réseau de signifiants. Tous mes vêtements sont
devenus blancs. Tous mes vêtements sont devenus blancs.
23H19 : Marre de la farine,
je sniffe de la cocaïne. Je vois la lune et le gâteau dans le four, le paquet
de poudre blanche, le sucre glacé et trop tard je ne sais plus quoi est quoi,
j’ouvre le four et me jette sur le gâteau, le dévore et meurs.
23H20. J’écris depuis l’autre
côté parce que je me suis engagé à le faire. Je ne suis pas une lichette. Mon
nouveau statut me donne tous les droits et me permet les pires écarts avec la
vie. Je me jette par la fenêtre et m’écrase dix-huit étages plus bas. Ca
s’arrêtera comme ça à commencé par un frigo d’où le lait déborde.
23H22. Je suis dans une ambulance
attaché, ils ne me prennent pas au sérieux, c’est pourquoi je continue à écrire
sur microfilms nanomachineux. Je recrute une équipe d’un million de yen pour
venir me sauver. Je recrute je recrute je recrute. Les virages que
l’ambulancier ne sait pas si bien prendre me remuent les tripes et m’arrachent
le peu de vie qu’il me reste, du fond des tripes les petits bonbons ressortent.
22H24. Armé d’une paille je suis
finalement parvenu à m’enfuir. Mon plan est simple : il me reste un peu
moins de quatre minutes. Je ne dois pas me faire attraper.
23H25. A force d’être trop
prudent, je me suis fait volé mon ombre. Je suis perdu.
23H26. L’heure tourne et je
commence à m’habituer à ma nouvelle condition, je regarde tous les miroirs
passer. Bientôt. Bientôt bientôt.
23H26. Ca y est j’ai amorcé ma
mutation, je commence à poindre noirement dans mon dos. Je presse rapidement
les boutons de la télécommande dans tous les sens et les piles s’agitent pour
fournir autant de courant électrique.
23H27. A un doigt de la
libération, je me recroqueville, m’arque, je rougis et mes antennes se déplie. Je
touche le ciel je touche le…
23H28. Va petite coccinelle.