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E-critures
30 août 2007

Le kilo de farine

―Comment ça, juste quelques grammes? Je croyais vous en avoir commandé un kilo.

―C'est que, monsieur, vous savez, en ces temps de misère. S'approvisionner est devenu une activité très compliquée. Surtout pour le genre de produits que vous nous demandez.

―Vous plaisantez? Je vous demande un kilo de farine et vous me ramenez un minuscule petit sac plastique. Le plus amusant c'est que vous me le facturez, à combien, non je veux même pas savoir... Et vous pensez sérieusement que pour transporter une telle marchandise vous avez besoin de gardes du corps?

―De la farine?

―De la farine.

Il ferme la valise et se relève. L'autre le suit des yeux. Avant de quitter la pièce :

―Il y a comme qui dirait, eu ... une légère erreur de compréhension. Ca ne nous été encore jamais arrivé, d'habitude nos clients, au dernier moment....enfin... Nous  vous livrerons  votre kilo de farine un peu plus tard dans l'après-midi, nous le doublerons même pour nous excuser. Nous espèrons en contrepartie que cette affaire vous n'irez pas ébruiter. Cela vous convient-il?

―Ah voilà. Oui comme ça c'est très bien. Enfin de la responsabilité...Je serai muet comme une tombe.

Dans un coin de sa tête, le paquet de farine gratuit. Le pain serait encore meilleur.

L'autre s'en va en marchant lentement dans le couloir, le bruit des pas des hommes synchronisés, et lui, l'acheteur, en train de monologuer, à voix haute pour que quand même ils l'entendent : pas si mauvais que ça ces gens-là. Au début il les trouvait un peu louches, mais c'est en cas d'échec qu'on reconnait la valeur d'un homme et d'une société, à la manière qu'ils ont de réagir en cas d'échec. Et ils avaient bien réagi... C'est chez ces fournisseurs que désormais il commanderait, regrettait que seulement de la farine ils s'occupaient. Toutefois, il ne comprit pas pourquoi  dans le couloir, juste avant de se retrouver dehors, les fournisseurs, de cette phrase ponctuèrent de retentissants éclats de rire :

―Un peu plus et on allait le buter...

Buter? Le mot résonnait comme porte qui claque, n'avait encore jamais entendu. Une interrogation comme un souci. Le nuage gris dans le ciel bleu. Se gratte le coin du sourcil, mais oui, c'est ça, et de tout comprendre: on allait le buter, on a failli mal se comprendre. Se souvient de cet individu qui dans la rue, qui dans la rue quelques jours plus tôt, lui avait dit «je vais te buter». Ah, vraiment des gens bien!

Il a avait lui aussi failli les buter.

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